Un magazine inspiré et inspirant

De septembre 2014 à février 2015

Décidément je ne peux m’empêcher de renouveler mon intérêt pour Etapes : à chaque lecture du nouveau numéro, ou presque, j’ai le sentiment de renouer avec l’effervescence de mes années étudiantes. Cette période bénie des dieux … période de création où toutes les expérimentations sont permises où l’idée est la locomotive de la réalisation, où le médium est une « matière » malléable qu’il est recommandé de modeler à volonté. Une période de débats enflammés où l’idéologie côtoie l’imaginaire, où le langage se fait protéiforme. Si le salon de Maison & Objet, qui fête ses 20 ans cette année, se situe à la croisé des chemins du business et de la créativité, Etapes a clairement fait de la créativité une route prioritaire.

Flashback et plus…

Retour sur 2+1=3 numéros qui marquent une continuité certaine. Que ce soit à La Fnac, chez Artazart ou encore à la Hune, vous devriez pouvoir encore trouver les numéros 221 et 222. Si le premier interroge sur la place et le rôle qu’occupe le Design Graphique dans les médias de demain, un questionnement fort à propos à l’heure du « mobile first », le numéro 222 nous rafraîchit les neurones créatifs avec une sélection soignée de diplômés en écoles d’arts. Le 223 quant à lui nous parle d’orientation mais in situ cette fois.

Etapes 221 – Medias & Design Graphique

Le champ de nouveaux médias est devenu très vaste.

Je m’y prends plus que tardivement mais je tenais à attirer l’attention sur le très intéressant dossier d’Etapes nº221 des mois de septembre/octobre. Ce dossier devrait intéresser les graphistes à plus d’un titre puisqu’il s’interroge sur le rôle que le design graphique pourrait jouer dans l’élaboration des médias de demain. Le travail de réflexion est d’autant plus méritant qu’il s’attelle à problématiser un sujet immensément vaste et morcelé tiraillé par une typologie de supports en constante prolifération. Il devient en effet de plus en plus complexe d’obtenir une vision exhaustive des vecteurs de communication tant les frontières sont ténues entre tangible et virtuel.

Processus de lectures en constante mutation.

Comme le souligne Isabelle Moisy « dans ce contexte actif et interchangeable à tout moment, les processus de lectures sont en mutation constante et nécessitent l’adaptation systématique de l’information, des images, des supports, des interfaces de transmission ».

Le dossier s’ouvre sur la vision étayée de Jérémy Leslie qui met en perspective le design graphique dans l’édition presse, le rôle du design dans ce type d’environnement, sa portée et les perspectives qu’il offre. Jérémy met l’accent sur la relation étroite qui unit le contenu écrit au graphisme, le directeur de rédaction au directeur artistique « le contenu écrit doit s’adapter au graphisme autant que le graphisme doit s’adapter aux mots. »

Thibaud Tissot du Studio Onlab, Berlin pose la question du graphisme sans commande appliqué à l’affichage avec le projet UN/limited. Pragmatique dans sa démarche exploratoire et expérimentale, il pose néanmoins les bases d’une réflexion sur la représentation et la légitimité d’une œuvre en regard de son contexte, cette démarche bien que plus particulièrement axée sur la matérialisation formelle et les mécaniques de l’expression n’est pas sans rappeler René Magritte et son œuvre ô combien célèbre « ceci n’est pas une pipe ».

Selon Bregtje Van Der Haak, nos modes de lecture vont changer, tout impactés qu’ils sont par notre environnement numérique et les usages que nous avons intégrés à notre processus de pensée. Ainsi la méthode de lecture linéaire trop lente à distiller le savoir devrait être supplantée par des méthodes visuelles fondées sur le regard de la reconnaissance de l’image. Cette dernière étant plus facilement identifiable et donc plus prompte à servir un acheminement de l’information dans une approche centrée sur les besoins de l’utilisateur. Ceci n’est pas sans évoquer le principe des « pattern » évoqué par Raph Koster dans « Theory of fun ».

Etapes 222

Ecoles et diplômes.

Pour ma part, j’adore parcourir les travaux réalisés dans le cadre des diplômes de fin d’études. Tout d’abord les étudiants ne s’encombrent pas des vétilles mercantiles qui sont d’ordinaire le quotidien des agences, ce qui permet à leur créativité de s’exprimer sans entrave. De plus, et je suis étonné que ce ne soit pas plus souvent mentionné, l’étape liminaire à l’obtention d’un diplôme trouve ses fondements dans le tissu professoral. Aussi les diplômes en disent également long sur la perception qu’a le corps enseignant du monde de la création et du design. Professeurs, étudiants, professionnels voici une triangulation propice à ne pas nous laisser nous reposer sur des acquis supposés … sur le métier cent fois ton ouvrage tu remettras 🙂

A l’aune d’une nouvelle révolution industrielle.

Selon Jannick Thiroux, président du jury de l’ENSCI, la plupart des travaux étudiants s’appuie sur les modèles d’une nouvelle révolution industrielle émanant de la société civile. L’homme, la ville et les réseaux sont au coeur des préoccupations étudiantes et si ces derniers laissent parfois leur intuition prendre le pas sur la conceptualisation d’une idée, d’un usage ou d’une forme, il n’en aborde pas moins pour autant des problématiques ambitieuses. Regarder, analyser et synthétiser sont, et on s’en doute, les maître mots de chaque candidat.

3 grandes familles de projets.

Jannick Thiroux décèle 3 grandes familles de projets : le numérique, le design domestique et le design de services. Il rappelle également que s’interroger sur son propre regard est une pratique inhérente aux métiers de la création dans la mesure ou cela permet une constante remise en cause. Il serait évidemment impensable pour un graphiste de ne pas s’interroger sur son positionnement dans un univers numérique en mutation constante !
A noter également que de plus en plus de projets gravitent dans les univers de l’artisanat, de l’expérimentation et du fab. lab. Face à la désindustrialisation massive de notre société, la prochaine vague de créatifs présenterait-elle une nouvelle révolution industrielle plus respectueuse de l’homme et de la nature ?

L’évolution spectaculaire des nouveaux médias.

De son côté Jean-Noël Lafargue nous rappelle à juste titre combien il peut être complexe pour les écoles d’arts de se retrouver sous la férule de nouveaux médias qui depuis 40 ans ont connu une évolution spectaculaire. Dans les années 80 nous n’en étions encore qu’au minitel, de nos jours l’outil numérique est un média de masse. Au passage, ne serait-il pas judicieux de se reposer la question de la légitimité des termes « média » et « hors média » que dénotent une approche me semble t-il archaïque.
L’enseignement des nouveaux médias en école d’arts est aujourd’hui indispensable, cependant aucune politique globale n’existe, aucun tronc commun permettant de définir précisément les savoirs et savoir-faire. Jean-Noël rappelle à ce propos la diversité symptomatique de profils présents dans le corps enseignant (ingénieurs, artistes, autodidactes) Les nouveaux médias représentent un champ d’expérimentation immensément vaste. Aussi les écoles ont ceci de légitime qu’elles favorisent principalement l’expérimentation, l’invention et ce indépendamment des techniques en voie d’obsolescence dont il est préférable de pouvoir s’affranchir: hacking, excellence, expérimentation, autonomie sont les clefs de l’enseignement en écoles d’arts, sans oublier une vérité qui à mon sens doit s’appliquer à chacun d’entre nous : la capacité à quitter l’écran.

Etapes: 223

Stratégie d’orientation (au sens propre).

Je viens de recevoir le numéro de janvier/février aussi vous laisserai-je le découvrir par vous-même. A noter un dossier très étayé, comme à l’accoutumée, sur la signalétique. A une époque, la nôtre, où les outils GPS et autres solutions portables de géolocalisation gagnent du terrain dans la réponse personnalisée à nos besoins quotidiens d’orientation, Etapes ouvre le débat sur le rôle de l’approche signalétique non connectée 🙂 En effet comme le précise Caroline Bouige, dans son prologue au dossier d’Etapes 223, l’intervention graphique in situ confère une identité aux lieux. Plus qu’une fonction d’orientation, la signalétique permet de sensibiliser l’utilisateur à la nature même de l’espace au sein duquel il évolue, à en comprendre la nature intrinsèque, son histoire. C’est également une manière de rendre concret un évènement éphémère. La signalétique a pour fonction de nous faire décrocher de nos supports numériques pour ouvrir les yeux et appréhender les lieux de manière autonome. Parmi les praticiens mis à contribution, il y a entre autre rien de moins que Ruedi Baur … bref encore un numéro à savourer !